Fibre Optique

Télécoms: La guerre de la fibre optique

IAM, Orange et Inwi se livrent une course au déploiement
Pour les challengers, c’est un moyen de contrer l’ADSL
Redondance des chantiers, désagréments, coûts onéreux… les limites

Exploiter pleinement le potentiel de l’Ultra HD 4K avec une fluidité totale des images sur plusieurs TV simultanément, télécharger des vidéos à la demande et de la musique en un clin d’œil ou encore profiter d’un temps de réponse quasi instantané pour les jeux en ligne… Des usages inaccessibles pour les Marocains à l’heure où sur l’ensemble du parc Internet fixe, 82% des utilisateurs disposent uniquement d’un débit de 4 mbps. La tendance devrait s’inverser avec la généralisation de la fibre optique. En effet, les opérateurs télécoms se livrent une bataille sans merci afin de raccorder les foyers marocains.

Pour l’heure, l’opérateur historique revendique «le plus vaste réseau optique sur l’ensemble du territoire». Plus de 4 milliards de DH sont investis chaque année dans le déploiement des infrastructures liées au développement du haut et très haut débit. C’est dire que le numéro 1 du marché a engagé un programme massif d’investissement dans les «technologies les plus récentes». Ce qui vient répondre aux nouveaux usages liés à la data et à la transformation numérique.

A fin mai 2017, Maroc Telecom à déployé plus de 331.264 accès fibre. L’opérateur historique privilégie la technologie FTTH(1). Mais il mise aussi sur la FTTC(2). Deux types de technologie qui permettent d’accélérer le déploiement de la fibre. La FTTH apporte la fibre directement dans une pièce de la maison ou de l’entreprise alors que la FTTC est une architecture hybride qui combine le cuivre et la fibre. Ce procédé permet d’augmenter la bande passante à un coût plus faible (car les câbles en cuivre de IAM sont déjà en place). Ce qui permet aussi d’effectuer un déploiement massif plus rapidement.

Dans ce même contexte, le numéro 2 du secteur (Orange) met les bouchées doubles pour déployer les services FTTH dans les plus grandes villes. L’opérateur en est déjà à quelque 6.000 km de fibre installée. Le programme d’investissement (4G et fibre optique) de la filiale marocaine du groupe français tourne  autour de 1,2 milliard de DH par an. D’ailleurs, Orange a concocté tout un plan d’investissement orienté fibre en 2018.

«Nous allons aussi lancer en 2018 le haut débit fixe avec deux types de technologie, en partie fibrée», annoncent les équipes Orange. L’enjeu étant de démocratiser l’accès au très haut débit. L’entreprise a mis en place un guichet unique dédié aux professionnels du secteur pour tous les aspects liés à la fibre optique.

Mais malgré la forte mobilisation des 3 opérateurs, des freins subsistent au déploiement de la fibre optique. Comme pour toute nouvelle technologie, les prix sont encore élevés et ce, afin de rentabiliser l’investissement en infrastructures. «Pour l’instant, notre offre séduit des clients CSP+, des familles avec enfants ayant une forte attente de data et des petites et moyennes entreprises», explique le top management d’Orange.

En effet, les prix varient entre 550 et 650 DH pour des débits de 100 et 200 méga chez l’opérateur. Le modem dédié ainsi que les frais de mise en service sont offerts.  Chez IAM, les prix varient entre 500 et 1.000 DH pour les mêmes débits que chez Orange. Par contre, il faut compter les frais de raccordement ainsi que le prix du modem (1.670 DH à lui seul).

Autre frein à la généralisation de la fibre optique, l’interdiction de toute intervention sur le domaine public des voies et servitudes nouvellement aménagées (moins de 3 ans à compter de la date de réception des travaux). Aucun chantier n’est autorisé à Casablanca par exemple. Les travaux prévisibles doivent aussi être notifiés au mois de février de chaque année, sous réserve que les opérateurs respectent une feuille de route prédéfinie. Une forte demande de raccordement dans un quartier par exemple doit impérativement attendre son tour sur ladite feuille de route.

Inwi a décidé de faire les choses autrement. Il y a 1 an, l’opérateur a déployé Marwan, un réseau universitaire national très haut débit. Ce dispositif aura permis le raccordement en fibre de 80 établissements d’enseignement supérieur. Aujourd’hui, les universités peuvent  compter sur des débits minimum de 100 mégabits/seconde. «Marwan est un projet structurant. C’est le fruit d’une expertise 100% marocaine qui rivalise en performance avec ses pairs européens», explique Rachid Mechahouri, directeur technique chez la filiale du groupe SNI.

En parallèle de ce projet, l’opérateur poursuit le développement de son réseau dense de fibre optique qui dépasse actuellement les 10.000 km. Ce réseau permet notamment de raccorder plus de 12.000 foyers avec des ambitions d’investissement encore plus soutenues à partir de 2018. «Inwi poursuit ses investissements dans l’infrastructure. Nous avons des ambitions d’investissement supérieures qui restent toutefois dépendantes d’une plus grande ouverture du marché à la concurrence», avait confié Nadia Fassi Fehri, DG d’Inwi à L’Economiste.

Jusque-là, Inwi reste l’opérateur alternatif qui multiplie les rappels à l’ordre. Il revendique le plus ouvertement l’urgence de résoudre l’équation du dégroupage et de l’accès à la paire de cuivre de raccordement du foyer. «Il y va du développement d’Internet dans le pays», insiste le top management. A ce jour, à peine plus de 1 million de foyers bénéficient des services ADSL alors que plus de 3 millions de foyers sont déjà raccordés.

«Le dégroupage est un impératif pour la fourniture du service ADSL ou VDSL. Partout dans le monde, la paire de cuivre de raccordement des foyers est une infrastructure non réplicable. C’est en effet un non-sens économique et urbanistique de penser que chaque nouvel opérateur télécoms pourrait créer ses propres accès cuivrés dans nos villes et nos campagnes», explique Mechahouri. Même son de cloche auprès de la concurrence. «Orange Maroc ambitionne de démocratiser l’accès au haut débit. Toutefois, le seul bémol concerne le fixe qui n’est pas encore ouvert, dans la pratique, à la concurrence», rappelle l’opérateur.

Au terme du 3e trimestre 2017, le parc des abonnés Internet s’est établi à 22,56 millions, affichant un taux de croissance annuelle de 33,34% et un taux de pénétration de 64,74%.  Pour les opérateurs, la bataille est désormais clairement transposée sur le terrain de la data. Pour sa part, le parc ADSL enregistre une croissance trimestrielle de près de 0,45% et de 8% sur une année pour 1,3 million d’abonnements.

Parent pauvre du parc Internet, ce segment du marché se trouve bridé par le dégroupage qui se fait attendre. Ce qui se ressent également sur la pénétration du haut débit dans les foyers. En effet, Maroc Telecom peut se targuer de détenir à lui seul 98% du marché ADSL. Pour Inwi et Orange, la fibre optique représente indéniablement un relais de croissance, voire une voie de contournement à la mainmise de l’ADSL et surtout un enjeu majeur pour des décennies.

Voie publique: Le cahier des charges

Les installations des opérateurs télécoms ne sont pas gratuites. La redevance annuelle pour l’installation de câbles dans le sol ou le sous-sol est fixée à 6 DH le mètre linéaire. Les opérateurs télécoms devront également débourser 100 DH par m² au sol occupé par les boîtiers de raccordement. En sus, les opérateurs doivent s’acquitter de 500 DH par trimestre pour chaque armoire réseaux occupant le domaine public. IAM, Orange et Inwi sont aussi tenus de respecter les règles de sécurité applicables sur les chantiers de travaux (bruits et nuisances, circulation et accessibilité des piétons, enlèvement des déblais…). En cas de violation de ce cahier des charges, ils s’exposent à une mise en demeure, suivie d’un arrêt de chantier jusqu’à régularisation de la situation.

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(1) FTTH (de l’anglais : Fiber to the Home, qui signifie «fibre optique jusqu’au domicile»).

(2) FTTC (de l’anglais : Fiber To The Cabinet, qui signifie «fibre jusqu’à l’armoire»).

Source : www.leconomiste.com

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